Angoisse !

Devant le film de Richard Fleischer « Le Voyage fantastique », je me revois, jeune enfant, tremblant de peur pendant que le sous-marin miniaturisé transportait l’équipe de scientifiques à travers le système sanguin du savant Tchèque, alors qu’il était dans un coma profond. Quelle fut ma déception quand j’ai découvert que le docteur Michaels était un traître. Horrifié, je l’observais fermer le sous-marin et abandonner ses collègues qui étaient partis en mission à l’extérieur. Mais la scène où, un peu plus tard, il fut avalé par un énorme globule blanc restera gravée à jamais dans ma mémoire. Je vois encore le regard angoissé de cet homme en apercevant cette masse informe s’avancer sur lui et devinant la façon dont il allait mourir… J’en ai encore la chair de poule !

Extrait n°4 du roman 2152 :

Dans l’imposante mangrove de l’île de Marajo, les rescapés du module scarabée se relayaient pour surveiller l’horizon. Ils espéraient que la boite noire serait réceptionnée par un membre de leur peuple et ils avaient organisé des quarts pour guetter l’arrivée d’éventuels secours.

Il était quatre heures du matin. Le professeur Boz et Uliana quittèrent leur poste d’observation, situé à l’extrémité de la feuille de palétuvier qui retenait le cockpit. Épuisés, ils marchaient d’un pas lent pour rejoindre leurs compagnons qui dormaient sur la partie opposée, au niveau du pétiole. Une fois rendus devant leur abri, ils contemplèrent l’énorme cristal de sel qui n’avait cessé de croître et qui recouvrait désormais l’habitacle dans sa totalité. Celui-ci n’était même plus visible. Aussi, pour pouvoir accéder à leur logis, ils devaient s’engager dans un tunnel creusé dans le sel qu’ils entretenaient régulièrement pour ne pas se retrouver prisonniers à l’intérieur. Diego et Paco Saka qui devaient les remplacer sortirent justement du passage à cet instant et vinrent bavarder avec eux, avant de rejoindre leur poste.

— Rien à signaler ? demanda Diego, à peine réveillé.

— Toujours rien, lui répondit Uliana. Par contre, faites attention à rester bien accrochés à la feuille. J’ai l’impression que le vent se lève. Le temps est en train de changer.

— Oui, ajouta Théo Boz, si jamais il se mettait à pleuvoir, ne prenez pas de risques inutiles. Revenez vous mettre à l’abri avec nous.

Puis ils se séparèrent. Uliana et le professeur Boz firent un petit signe de la main à leurs amis pour les encourager et pénétrèrent dans la carapace de sel, contents d’aller enfin se coucher…

 

Tout se passa très vite. L’orage éclata vers les six heures du matin, en même temps que la marée montait. Des trombes d’eau s’abattirent sur l’estuaire. Dès les premières gouttes de pluie, Diego et Paco Saka s’empressèrent de regagner le refuge où tout le monde dormait encore. Sans leur tunique, ils n’auraient jamais pu se déplacer sur la feuille de palétuvier qui était en permanence secouée par le vent et ballottée par de puissantes averses. Chaque pas était précautionneusement réfléchi avant d’être réalisé pour éviter de glisser et d’être projeté dans la mer déchaînée.

— Au secours ! entendirent-ils crier, lorsqu’ils arrivèrent au niveau du cockpit qui précédait le pétiole.

Leurs amis se débattaient comme ils pouvaient pour s’extraire du sel par le tunnel, où l’eau s’engouffrait. Toute la pluie qui s’écoulait sur la feuille se déversait à cet endroit et butait contre le cristal qui enrobait la cabine du module scarabée.

— Que se passe-t-il ? s’inquiétèrent les deux hommes, en s’adressant à Tseyang qui leur faisait des signes de détresse. Pourquoi restez-vous sur le rocher de sel ?

— Le Professeur Waren a glissé dans le tunnel et a été emporté de nouveau au fond du cockpit qui est rempli d’eau ! Venez nous aider ! Il va se noyer !

Mais les hommes-miniature furent surpris de voir l’entrée du passage s’élargir progressivement.

— Le sel est en train de fondre ! réalisa soudain le professeur Boz. Au fur et à mesure que l’eau pénètre dans le tunnel, elle le modèle pour lui donner une vraie forme d’entonnoir. Si nous nous enfonçons à l’intérieur, nous ne pourrons jamais remonter. Le courant est trop violent et les parois deviennent trop lisses.

Ils étaient tous impuissants autour de ce trou qui captait de plus en plus de gouttes de pluie. Ils imaginaient Karim Waren qui, dans sa détresse, devait les attendre désespérément pour s’en sortir… Mais tout à coup, ils virent jaillir, à l’entrée de l’orifice, le professeur qui avait eu la bonne idée d’actionner le bouton de sa tunique SPICROR pour déployer la bulle protectrice. Comme un ballon rempli d’air, il s’éleva spontanément jusqu’à la surface.

— Hourra ! s’exclamèrent-ils tous ensemble. Bravo !

Aussitôt, ils formèrent une chaîne humaine pour le saisir et, à force de persévérance, ils réussirent à l’amener jusqu’à eux.

— Montons jusqu’à l’arête de la feuille ! hurla Tseyang. Nous nous éloignerons de cette zone trop dangereuse qui canalise toute l’eau.

Sans se poser de questions, ils obtempérèrent, s’en remettant totalement au jugement de leur amie, car ils devaient agir vite.

— Le !… Le ! bégaya Antonio Lastigua en se retournant vers le cockpit, une fois parvenu sur la tranche de la feuille. Le cristal est presque entièrement dissous !

Ils regardèrent, horrifiés, la partie du module qui se dégageait soudain du morceau de sel. Puis, le dernier fragment du module disparut sous leurs yeux. Il glissa le long du pétiole et rebondit sur la branche qui retenait la tige avant de tomber dans la mer. Au même moment, une vague se brisa sous le palétuvier et l’engloutit en quelques secondes. Fouettés par le vent et la pluie, les naufragés s’agrippaient désespérément à leur petite feuille. Ils n’osaient plus rien dire. La situation catastrophique dans laquelle ils se trouvaient les paralysait de terreur…

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